L’art au service du vivant !
Pascal Servera est le directeur du Centre National des Arts de la Rue et de l’Espace Public – Le Citron Jaune, un projet artistique et culturel pluridisciplinaire dédié à la relation entre arts, écologie et territoire. Dans le cadre de ses missions, le Citron Jaune passe, entre autres, commande à des artistes pour qu’ils viennent travailler sur des enjeux écologiques locaux avec les gens. C’est le cas du projet Pont Ver(t)s, une œuvre végétale se traduisant par de l’agriculture urbaine : planter des arbres fruitiers aux pieds d’immeubles de la ville de Port-Saint-Louis-Du-Rhône.
Pascal, pouvez-vous nous parler de Pont Ver(t)s ?
Pont Ver(t)s a commencé en novembre 2021. C’est une commande passée à Thierry Boutonnier, qui s’est fait connaître à la Biennale d’art contemporain de Lyon pour avoir créé « Prenez racine », un projet de plantation d’arbres dans un quartier de la ville de Villeurbanne.
A Port Saint-Louis du Rhône, Thierry s’est associé à Laury Huard - un apprenti qui vient de sortir de la FAI.AR, et Eva Habasque - une scénographe, pour développer le projet.
Pour Pont ver(t)s, c’est l’olivier qui a été choisi, de façon massive par les habitants, comme l’arbre tutélaire du jardin. Sur place, Thierry s’est rendu compte que de nombreux oliviers étaient déjà implantés, mais que les olives n’étaient pas utilisées. Ainsi, pour se réapproprier l’espace public et recréer du collectif au sein de ce quartier très atomisé, nous avons décidé de développer le projet par une récolte des olives et d’en faire de l’huile d’olive de Port-Saint-Louis-Du-Rhône.
Pont ver(t)s, c’est un projet sur le temps long, qui s’adapte au rythme des saisons. Pouvez-vous nous dire comment ?
Le projet a commencé avec les habitants en septembre 2022, avec une fête en novembre, puis en avril 2023, puis en 2024… autant de temps qui viennent célébrer le rythme de la plante.
En novembre 2022, c’est la plantation : nous avons donc décompacté le sol et planté les premiers arbres, ce qui a donné lieu à un grand goûter, avec musique, crêpes, etc.
En avril 2023, nous avons proposé une forme de récolte, qui a laissé place à une « boom végétale ». Et comme c’était le moment de planter des plantes maraîchères, nous avons effectué d’autres plantations à ce moment-là, ce qui a donné lieu à un spectacle de Laury et de Thierry sur la façon de planter collectivement.
En quoi l’art et la création artistique sont-ils un bon levier pour sensibiliser et amener les habitants à l’écologie ?
Quand on parle de « Pont Ver(t)s », on pourrait s’imaginer qu’il s’agit d’un simple projet de paysagiste. Or, c’est d’abord et avant tout un projet qui se traduit par une implication artistique et une sensibilisation artistique à ce qu’est l’agriculture urbaine. Lorsque Thierry et Laury vont planter un arbre, collecter des olives, retourner la terre, ce sont des performances, de véritables spectacles dans l’espace public.
Le travail de collecte des olives, mené en parallèle du travail de transmission de savoir-faire arboricole, a été un des leviers utilisés par Thierry, Laury et Eva pour emmener les habitants dans l’aventure, pour les sensibiliser à ce qu’elle veut véhiculer.
En 2024, on a prévu toute une recherche sur la transmission des savoir-faire arboricoles pour constituer un groupe de jardiniers. Pour cela, on va donc être accompagné par un philosophe de la participation et de l’écologie et un spécialiste de la question du contrat naturel. Cela va nous permettre de nous faire conseiller sur les différentes pratiques à mettre en œuvre, sensibiliser à ce qu’est le contrat naturel, le rapport au végétal, et faire un livret qui puisse formaliser cette démarche.
Ce projet sert aussi la recherche scientifique. Pouvez-vous nous dire ce que vous prévoyez de développer en ce sens ?
En novembre dernier, nous avons collecté des olives à l’échelle de Port-Saint-Louis-Du-Rhône et réalisé la première huile d’olive de la ville, mais nous ignorons si elle est comestible. C’est pourquoi, dès 2024 nous allons pouvoir mener, grâce à la Fondation Carasso, une recherche sur la bioaccumulation : c’est l’hypothèse que les arbres pourraient protéger leurs fruits de la pollution atmosphérique en concentrant le polluant dans les troncs, les racines ou les feuilles. Cette action sera menée avec l’Institut Eco-citoyen. Elle va se dérouler en plusieurs temps de piquetage sur les arbres de la ville, d’analyse et de restitution publique.