Bien manger, c’est manger en conscience

Alimentation responsable

Le Télégraphe est à la fois une salle de spectacle, un restaurant et bientôt un Tiers-Lieux nourricier. François Veillon en est le directeur artistique et s’est engagé dans l’« alimentation responsable » à laquelle il préfère le terme de « bien manger ».

 

Pouvez-vous définir ce « bien manger » ?

Bien manger, c'est de la modération associée au choix de l'aliment et à la qualité de la transformation. Bien manger, c'est aussi de l'information, une culture, un patrimoine, parfois un respect de certaines traditions sans toutefois rester figé dans le passé.

Je n’ai pas spécialement envie de plébisciter une espèce d'alimentation. En revanche, il est important d'être conscient de ce que l'on mange. Je trouve qu’on a créé des dogmes et des concepts dans la notion de bien manger, on y voit arriver des pâtisseries sans gluten, et je trouve cela aberrant.

 

Vous accueillez des artistes : est-ce que vous les sensibilisez à ce « bien manger » ?

Au télégraphe, nous avons pris le parti de ne pas donner de carte, c’est donc plat unique ! Nous recevons parfois des fiches techniques avec des demandes de canettes de coca ou au contraire beaucoup de contraintes alimentaires, que nous ne pouvons donc pas satisfaire. Il n’y a pas de Coca au Télégraphe mais des limonades locales. Les intolérances sont souvent dues à des produits de mauvaise qualité et des associations difficiles à digérer sur scène. Notre chef - qui a été étoilé – est très vigilant aux associations de saveurs et ingrédients. Et puis les musiciens mangent suffisamment en amont pour ne pas se retrouver en pleine digestion pendant le concert.

 

Qu’en est-il de la provenance des produits ?

Tous nos produits sont d’une provenance locale, puis bio. Nous sommes dans une cuisine méditerranéenne, nous travaillons donc avec de l’huile d'olive, des fermentations… Nous n’utilisons quasiment pas de crème, car il n’y a pas de vache dans les environs et la crème de chèvre n’est pas facile à transformer. Nous avons aussi la chance d’habiter un territoire abondant. Les poissons proviennent de la pêche à la ligne, les huîtres de tamaris. Certaines fermes se sont mises à l'exotique par anticipation du changement climatique : elles font des mangues, des papayes, des avocats… Il y a tellement de choses à faire avec le 100 % local.

 

Que pensez-vous du végétarisme ?

Je ne préconise pas le végétarisme sans être informé. Je n'encourage pas non plus la consommation de viande. Nous allons le plus possible sur des viandes blanches, du poisson. Les protéines animales sont un sujet. Maintenant, la surconsommation de poulet est un fléau, auquel s’ajoute la façon dont elle est cuisinée. Parce qu’à l’époque, pour garder longtemps une viande, elle partait en cocotte ou en bouillon : elle tenait deux semaines et nourrissait une famille entière.

 

Le sujet du gaspillage nous interroge, quelles sont vos actions ?

Nous avons fait le choix de ne pas avoir de carte pour ne pas devoir stocker. Tous les repas sont aussi adaptés en fonction des restes de la veille et nous travaillons l’arrivage du jour pour garder une forme d'authenticité. En termes de gâchis alimentaire, la démarche commence par là.

Le gaspillage est aussi enrayé, car nous n’achetons pas d'aliments transformés. Si nous voulons garder des aliments une ou deux semaines, la fermentation est un très bon outil. Nous travaillons également le sous vide avec des cuissons lentes pour les viandes ou la pêche de ligne.

Nous pratiquons aussi le don de façon hebdomadaire avec une association qui fait des maraudes et une autre qui travaille en foyer. Et enfin nous travaillons depuis peu avec la Région Sud, sur le plan alimentaire territorial, sur les cueillettes solidaires qui consistent à venir récolter les surplus de production directement sur les exploitations agricoles, afin de les redistribuer aux associations d’aide alimentaire ; un moyen de lutter à la fois contre le gaspillage alimentaire et la précarité alimentaire.

Toutes les matières organiques qui restent vont aux composts. L’un est au Télégraphe, le reste est collecté par l’association des Alchimistes qui en font du terreau et qui catégorisent leurs terres en fonction.

 

Pouvez-vous nous parler de votre tiers lieu nourricier ?

Le tiers lieu nourricier nous est apparu être l'outil le plus représentatif de notre action : travailler l’aspect solidaire et le maillage territorial.
En plein centre de Toulon, notre lieu peut recevoir des évènements. C’est autant un lieu de rencontres professionnelles pour développer de nouvelles pratiques qu’un lieu de sensibilisation du grand public.

Le plan alimentaire territorial y a organisé une rencontre professionnelle sur la restauration collective - qui représente 52 000 repas par jour en région. Il y avait des gestionnaires techniques d'unité de restauration collective appliquée aux cantines scolaires et aux EHPAD, des directeurs d'achat de la société Aliénor qui définit les repas et les fiches techniques des repas… Nous avons réuni des producteurs pour qu’ils échangent entre eux et qu'ils ne produisent pas tous la même chose.

Nous y organisons aussi des journées dédiées à l’expérimentation. Cette année, nous avons travaillé sur les plantes et la forêt avec des ateliers pour les enfants et les adultes. Nous avons créé des banquets sauvages, de grandes tablées dans lesquelles nous avons travaillé la matière végétale de façon différente afin de prouver nous pouvons nous nourrir autrement et y prendre du plaisir.
La dynamique est en marche et le Tiers-lieu nourricier devrait être officiellement inauguré en octobre.

 

Voir aussi
Le Référentiel Écolo