Pour une alimentation bio, locale et responsable

Alimentation responsable

Charles Berling, vous êtes le directeur de la scène nationale Châteauvallon-Liberté. Dans le cadre des activités de la Scène nationale, vous placez la nourriture servie aux artistes et aux publics comme un axe culturel très fort et vous portez, au sein de cette institution, une politique d’alimentation responsable. Votre conviction : « Il faut prendre soin de ce que nous mangeons parce que nous devenons ce que nous mangeons »

 

Pourquoi porter cet enjeu de l’alimentation en tant qu’acteur culturel ?

Je ne suis pas né végétarien… c’est au fil de mon parcours de citoyen que je suis devenu végétarien. Comme François Sarano, j’ai peu à peu pris conscience de ma relation aux animaux, au vivant et, au fur et à mesure, j’ai changé.

Ai-je besoin de manger tous les jours de la viande ou du poisson ?

Le végétarisme est une question culturelle. Je suis issu de la génération des 30 glorieuses et je mangeais ce que l’industrie nous donnait sans me poser de question. Aujourd’hui encore, c’est difficile d’être végétarien. La majorité de la population n’est pas d’humeur à être végétarienne. Et si on reste trop dogmatique, on se met à l’écart de la société commune, or, je ne veux pas me mettre à l’écart de cette société, je veux l’accompagner !

Quand j’ai commencé à diriger la scène nationale, j’ai mis mon expérience personnelle au service du Théâtre Liberté d’abord, puis de Châteauvallon. Car en tant qu’acteurs culturels, nous devons trouver le moyen de faire évoluer les choses, de détruire les idées reçues, d’inciter les gens à réfléchir, à prendre leur responsabilité sans être une entité punitive ou culpabilisante.

Et pour moi, dans un théâtre, l’espace de restauration est central. C’est un espace formidable de dialogue, de débat.

 

Concrètement, qu’avez-vous mis en place ?

Nous avons rédigé un cahier des charges très précis qui préconise

> l’utilisation des produits les plus locaux possible (pour éviter le coût carbone lié au transport),

> l’utilisation des produits issus de l’agriculture biologique,

> de cuisiner et de faire des recherches sur les repas végétariens, tout en continuant à proposer de la viande et du poisson. Car, quand on donne quelque chose de bon et de végétarien, on peut faire sortir des clichés.

 

Se fournir en produits bio et locaux a un coût, alors comment avez-vous fait pour conserver des tarifs accessibles ?

On estime que le coût de revient d’une scène dans son activité artistique et culturelle n’est pas compétitive. Et pour qu’elle ne soit pas « entravée », elle est subventionnée ; c’est ce qu’on appelle « l’exception culturelle française ». Nous pourrions adopter ce même principe pour rendre accessible la nourriture locale, bio, végétarienne, dont le coût s’avère effectivement plus élevé que les autres types de nourriture. Et donc subventionner cette culture-là également ?

Pour proposer une assiette à un prix abordable avec des produits de qualité, nous avons décidé d’arrêter de prendre une « quote-part » au restaurateur implanté sur le site de Châteauvallon et choisi de réduire les quantités.

 

Qu’avez-vous entrepris pour limiter le gaspillage alimentaire ?

Pour limiter le gaspillage alimentaire, notre prestataire utilise les invendus dans son propre restaurant, implanté à Toulon.  

Mais le levier le plus important reste la réservation pour être au plus juste des quantités. C’est pourquoi on intensifie la communication à ce sujet : dans les newsletters, dès l’achat du billet… Pour le spectateur, le plus dur est de réserver pour la première fois car c’est un changement de pratique. Une fois que cela fait partie de ses habitudes, c’est gagné.  

 

Quels sont, selon vous, les principaux freins au « végétarisme » ?

Les idées reçues sont un véritable frein. Les gens pensent parfois que « si tu ne manges pas de chair animale, tu ne manges pas », que le végétarisme est source de carence alimentaire… Les préjugés existent, il faut les déconstruire petit à petit.

Et puis, les circuits vertueux n’existent pas encore. C’est un domaine où il faut tâtonner pour fabriquer la transformation, de nouvelles connexions. Il faut trouver les bons fournisseurs ou inciter les fournisseurs actuels à se transformer. Là encore, cela prend du temps.

 

Durant ces années de politique d’alimentation responsable, quelles évolutions avez-vous pu observer ?

Les gens sont de moins en moins effrayés par le fait de ne manger que des légumes, surtout lorsque c’est bon !

Au restaurant de la scène nationale, 50% des repas servis sont végétariens et en interne, lorsqu’on organise des réunions d’équipe et qu’on impose un repas végétarien, cela ne pose plus de problème.

Dans les équipes artistiques accueillies aussi, il y a de plus en plus de particularités alimentaires et de végétariens.

On observe que cela change très vite en ce moment… la machine s’accélère de façon exponentielle.  

 

Et pour la suite ?

L’alimentation doit être au cœur des réflexions sur l’évolution des lieux culturels ; réflexions que nous menons actuellement dans un travail de prospective. Pour avancer plus vite, il faudrait mettre en place un système pour s’alimenter, se fédérer ; un lieu de rendez-vous, de savoir, de réflexion qui regrouperaient des gens d’expérience et des professionnels de l’alimentation (chefs, diététiciens, amap, etc…) pour partager et proposer des actions très concrètes à déployer.

 

Le Référentiel Écolo