Mesurer pour agir / Part 1

Impact carbone

Éric Gialis, vous êtes administrateur et directeur par intérim du Théâtre des Salins à Martigues. Vous avez suivi Impact Carbone, le parcours d’accompagnement proposé par Arsud pour mettre en place un plan d’action afin de réduire les gaz à effet de serre de votre structure. Qu’avez-vous trouvé dans cet accompagnement, quelle valeur ajoutée, quels enseignements, comment vous a-t-il permis de passer à l’action ?

 

La réflexion sur l’écologie est largement partagée au sein de l'équipe. Il y a une conscience qu'il faut y prendre part dans notre activité. Le sujet sur lequel on peut avoir la main, c'est l'empreinte carbone essentiellement et ce dispositif permettait d'y voir clair sur l'existant.

Mon questionnement était d'arriver à une appréhension concrète des endroits où l'activité du Théâtre des Salins était génératrice d'empreinte carbone et de ne pas nous laisser polluer par des idées préconçues.

L’intention était donc d’obtenir une photographie précise et objective pour orienter nos prises de décision et choisir une direction. Sans ce cadre-là, nous n'aurions pas pu mener cette démarche nous-mêmes et certainement pas de manière aussi fine. On serait passé à côté de certains sujets et de toute façon, je pense qu'on aurait renoncé dans le contexte assez chargé de l'an dernier.

 

Quelle a été la valeur ajoutée de cet accompagnement ?

Il existe des outils standards, mais l’accompagnement nous a donné un gage de rationalité, de sérieux et d'efficacité, de compétences. Nous n'avions pas la formation en interne, ni de ressources humaines capables de mobiliser des collaborateurs pour traduire les données brutes en données exploitables.

Et puis la récolte des données et les recommandations ont été adaptées à la spécificité de notre activité. Le conseil a porté sur la manière d’appréhender la recherche et sur quels types de données ; lesquelles étaient intéressantes ou significatives. C’était un conseil précieux. Je pense que les outils en ligne n’ont pas cette précision.

Le fait de s’être engagés dans cet accompagnement avec Arsud nous a aussi obligés à le porter et à le tenir alors qu’on l'aurait sans doute différé. C’est un des intérêts de s'engager avec d'autres. Il y a tellement de priorités qu’au bout d'un moment, on en élimine. Donc là, ça nous a aidés à garder cette priorité en haut de la pile. Le travail collectif nous a permis de mesurer notre volume par rapport à d'autres.

 

Quelles ont été les surprises de cet accompagnement ?

L'impact des mobilités, c’est évident. Toutes les mobilités, celle des artistes, des spectateurs ou des équipes. Même si on s’y attendait, je ne m’étais jamais penché d’aussi près sur la question.

Un des constats est qu’une compagnie artistique d'une trentaine de personnes qui vient en avion de Belgique représente à elle seule un pourcentage important de l'ensemble des autres compagnies qui viennent de partout ailleurs en train sur l'année. Pourtant on ne peut pas refuser d'accueillir des artistes ou des projets internationaux. C’est le cœur de notre mission qui est impacté. Nous essayons d'éviter au maximum ce type de trajets et de ne les rendre acceptables qu'en dernier ressort.

Et puis, le poids de la mobilité de l'équipe. Une grande partie des salariés n’habite pas Martigues mais dans un rayon de 15 à 40, voire 50 km. Il n’y a quasiment aucune solution de transport en commun et surtout pas avec des horaires décalés. Les équipes utilisent leur véhicule personnel pour venir travailler. Avec le nombre de jours de travail sur une année, on se retrouve à générer une empreinte carbone dans le même ordre de grandeur que notre activité artistique. Et ça, c'est une vraie surprise.

 

Vous avez envisagé du covoiturage entre les personnes des équipes ?

Il arrive que des gens le fassent. Mais on a très souvent des horaires décalés, y compris à l'intérieur des équipes.

 

Concernant la mobilité des publics, avez-vous des données exploitables ?

Oui, 95 % de nos spectateurs viennent en voiture, sauf ceux qui habitent dans un rayon de 500 mètres. Rentrer chez soi la nuit dans une ville moyenne où des rues ne sont plus éclairées et dont certaines zones sont peu urbanisées reste compliqué. Vous ne faites pas facilement 1 km à pied à 11h du soir, ni à vélo d'ailleurs, parce que l’obscurité rend le trajet dangereux. Et comme nous avons un parking gratuit juste à côté du théâtre, il n’y a donc pas de contrainte associée à l’utilisation de la voiture. Nous avons mis en place un service de covoiturage visible sur notre site et la newsletter. Ce service est également intégré à la plaquette et nous en avons parlé en présentation de saison. L'an prochain, nous mettrons un lien direct sur la billetterie.

 

Et en dehors de la mobilité, avez-vous d’autres plans d’action ?

On a pu matérialiser l'impact du bâtiment. C'était un des enjeux que j’attendais de cette étude. Cela me donne des arguments concrets pour retourner voir notre tutelle et y réfléchir ensemble. Deux points ont été identifiés :

  • Le hall avec ses gigantesques baies vitrées et des portes qui ne ferment pas facilement. L’efficacité thermique est catastrophique.
  • La grande salle et son énorme porte pour le chargement à l'arrière du plateau, qui donne directement sur l’extérieur. On perd/gagne 10 degrés pendant les chargements.

 

Qu’est-ce que cet accompagnement a changé au sein de l'équipe et dans vos pratiques ?

L’équipe était déjà sensibilisée, mais désormais, nous nous posons les questions d’éco-responsabilité à tous les endroits de notre activité, comme les achats par exemple.

Comme l’idée est d’avoir un suivi de notre impact d’une année sur l’autre, les équipes doivent prendre en main l’outil et également anticiper les données à récolter. Concernant la circulation des artistes, par exemple, qui était assez complexe à compiler après coup, notre coordinatrice de projets artistiques fait un travail concret de récupération des données tout au long des discussions sur les trajets des compagnies.

Il reste cependant un certain nombre d’endroits pour lesquelles nous ne maitrisons pas l’action, nous n’avons pas les clés qui permettent de déverrouiller les situations et cela ne doit pas générer de la frustration.

 

Comment pouvez-vous aller plus loin ?

Nous souhaiterions faire un laboratoire aux Salins pour essayer de mettre en place un service public de mobilité. On est en train d'analyser la provenance de nos publics, quartier par quartier, sur le territoire de Martigues. On voudrait isoler des points de provenance pour créer des lieux de ralliement et construire des itinéraires de navettes. On prendrait en charge une partie des coûts, mais il faudrait qu'on soit aidés. On a une petite idée du budget, parce qu’on a déjà 4 à 5 navettes en provenance de Marseille par saison sur certains spectacles. Ce service de navette aurait 5 arrêts où les gens pourraient éventuellement garer leur voiture. Il faudrait le systématiser à toute représentation. L’enjeu sera de ne pas perdre l'aspect convivial de notre petite restauration et de proposer des horaires adéquats.

Ce genre d’expérience pourrait être élargi à d'autres types d'activités comme le stade de foot qui est à côté du théâtre et avec qui on pourrait mutualiser les navettes et réduire les coûts. Nous devons nous rencontrer prochainement. Les élus trouvent l’idée intéressante.

 

 

Voir aussi
Le Référentiel Écolo