Un nouveau regard sur le vivant
Frédéric Garbe, metteur en scène de L’autre Compagnie, a créé le Bel Inventaire, des lectures illustrées et immersives sur les habitants des espaces naturels.
Pouvez-vous nous parler de la genèse du projet ?
En parallèle des créations théâtrales habituelles, je travaille depuis plusieurs années sur des lectures illustrées. Le principe est de créer avec un auteur, un dessinateur, un musicien et un comédien, une lecture illustrée à partir d’un texte ou d’une thématique. Ces propositions artistiques se fabriquent plus rapidement qu'une production théâtrale classique. C’est un endroit de liberté qui permet de diffuser plus simplement et surtout dans d'autres réseaux que ceux des théâtres.
Pour le Bel Inventaire, c’est la visite de l'espace nature départemental du Plan à La Garde qui a déclenché les choses. J'ai découvert cet espace naturel absolument magnifique, et dans cette maison au milieu du parc, il y avait des informations sur la faune, la flore, les oiseaux migrateurs. C’est là qu’est venue l’idée d’une création spécifique au lieu. Nous avons travaillé avec l’auteur Thomas Astegiano, lors d’une résidence, à une sélection des espèces endémiques qui allaient être représentées. Nous avons commencé à créer quelques portraits d'animaux et de végétaux et avons imaginé les contours d’un voyage immersif. Franck Cascales aux dessins et Zidane Boussouf à la création sonore sont venus compléter le projet de cette première création. Nous avons ensuite développé ce principe dans trois autres espaces naturels.
Nous avons donc contacté d'autres lieux dont le jardin remarquable de Baudouvin à La Valette. C’est un lieu très intéressant car la main de l'homme y est plus présente. Ensuite, nous avons travaillé avec l'écomusée des 4 frères au Beausset qui est en plein milieu de la Garrigue. Nous y avons parlé du vivant mais aussi des vieux métiers et des gens qui habitaient ces terres et du rapport qu'ils avaient eux-mêmes avec le vivant.
Le prochain lieu devrait être l'espace nature des Salins à Hyères, un coin de paradis sauvage.
En quoi ces données scientifiques sont utiles à cette intention poétique ?
Nous avons choisi des espèces peu connues, bien sûr, mais aussi certaines très connues qui ont su nous surprendre. Des oiseaux, des insectes, des plantes et des arbres qui ont tous une singularité et des secrets à nous offrir.
L’écriture de Thomas Astegiano sur ce projet est très poétique, légère et drôle. Nous avons conservé certaines données scientifiques, mais avons tenté de rendre les espèces proches de nous. Cela change notre rapport au vivant.
Nous avons souvent pris le biais de l'anecdote, d’une rencontre, d’un moment de vie. Par exemple, le figuier ne peut pas exister sans la guêpe du figuier. Et le fait que le figuier lui-même vienne raconter cette histoire amène quelque chose de très humain.
Dans cette installation que nous voulons très immersives, le spectateur est invité à se détendre complètement. Les gens portent des casques audios, la voix est très proche de l'oreille et les projections les embarquent. Les représentants des différentes espèces viennent se présenter à eux et dans la bande son, il y a les vrais sons de l'extérieur, comme le bruit du vent, les cris des oiseaux. On a l'impression d'être avec eux, dans leur habitat naturel.
En ce moment, une injonction est faite aux artistes : rendre le futur désirable. Quel est votre avis ?
Il est important de préparer les générations actuelles et futures à rester connectées à la nature et au vivant. Notre rencontre avec des publics scolaires nous montre que ce lien est souvent fragile. Ils voient des documentaires animaliers qui se passent à l'autre bout du monde, mais ce rapport à la nature immédiatement visible autour d’eux ne fait plus partie du quotidien. Et puis, parle souvent de l'infiniment grand, mais rarement de l'infiniment petit qui, en termes d’imaginaire, est très enthousiasmant. Cela me paraît essentiel de reconnecter l’homme à cette nature, car la connaitre c’est l’aimer et l’aimer, c’est avoir envie de la défendre.
Comment se passe la collaboration avec ces espaces naturels ?
Tous ces lieux nous ont laissé une carte blanche absolue. Cela fait partie du projet initial de travailler avec ceux qui cotoient quotidiennement ces espèces, pour qu’ils nous donnent des clés d'entrée précieuses dans ce monde. Nous avons donc choisi les espèces en fonction de ce que les gens travaillant dans ces espaces nous en racontaient.Et ensuite nous avons cherché les informations plus scientifiques qui sont aussi très inspirantes.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Aujourd’hui nous avons mis en place ce Bel Inventaire qui est un imagier du vivant composé d’une trentaine d’espèces animales ou végétales. L'idée est d'aller dans d'autres lieux naturels pour enrichir cet inventaire.
Nous proposons nos lectures à des lieux dédiés à la nature, mais nous pouvons jouer dans un lieu complètement urbain puis la magie opère par ce mélange entre le texte, l'image et le son.
Voilà l'idée, c'est d'aller promener nos petites bestioles et nos petites plantes un peu partout.