Organiser ses tournées autrement

Circulation des artistes et des oeuvres

Cendryne Roé, Directrice de Nomades Kultur, Manager de l’artiste Juan Carmona, auteure du livre La Mobilité internationale du spectacle vivant, produit des tournées à l’international, elle programme aussi des artistes internationaux lors du festival Les Nuits Flamencas. Elle revient sur l’enjeu de réduire la circulation des artistes et les co-bénéfices qui en découlent.

 

Comment préparez-vous vos tournées internationales ?

Quand nous tournons à l’international, nous ne sommes pas seuls. Nous sommes accueillis dans un pays, un territoire avec un organisateur : c’est là que se pose la question de ce que nous pouvons faire pour que ce ne soit pas qu’un concert. Ce mois-ci, nous sommes allés au Maroc et nous y sommes restés 10 jours parce que nous avions construit une relation avec l'organisation. Cela nous a permis de faire 5 jours de création, de rencontrer les artistes et les acteurs locaux. Lors de ce séjour, nous avons établi de nouveaux contacts et nous allons revenir pour une tournée en 2025 avec l'Institut de Marrakech. Ça, c'est intéressant. Nous sommes partis d’un one shot qui a donné naissance à une création, à des rencontres qui vont sûrement faire d’autre collaborations et nous avons monté ensemble notre projet pour 2025 : 6 concerts dans différentes villes près de Marrakech, 2 jours de masters class ou d’action culturelle.

 

Vous, en tant que Festival Nuits Flamencas, que porposez-vous concernant l'accueil des artistes ? 

Aucun artiste ne vient pour un one shot. Ils viennent aussi donner des masterclass pendant toute la durée du Festival. Il y a ce rapport à la pédagogie, à la transmission. Par exemple, Antonio Canales présentera également son film documentaire, suivi d’une rencontre avec le public. Nous avons inscrit cela au contrat dès le départ.

 

Etes-vous en contact avec d’autres organisateurs de festivals afin de favoriser la cohérence des tournées ?

Nous sommes sur un festival de niche. C’est plus difficile d'avoir cette offre à partager, les temporalités n’étant pas les mêmes. Nous sommes également gratuits et cela rend difficile de programmer le même spectacle payant quelques jours avant ou après dans un rayon de quelques kilomètres. Je comprends l’intérêt de supprimer les clauses de confidentialité, mais ce n’est pas si simple.

 

Cette année, vous inventez une nouvelle programmation : aller à la rencontre des publics afin de réduire leur circulation…

Oui, nous nous sommes déconcentrés sur d'autres villes du territoire. Nous serons le 13 juillet à la Penne sur Huveaune et le 20 juillet au théâtre de Gémenos. Et pour nos 10 ans, nous avons déjà 5 villes qui se sont connectées dont Port-de-Bouc, Arles Trets où vit une partie de la famille de Juan Carmona, notre directeur artistique. Ce sont des rendez-vous qui ont une histoire. Nous avons questionné La Ciotat, Gémenos. J'en ai même parlé avec Charles Berling pour proposer une soirée Flamenco à Châteauvallon.

Nous souhaitons rayonner sur le territoire et aller rencontrer les publics. Nous pouvons développer ailleurs pour que notre public reste plutôt sur son territoire. Comme on amène le festival chez eux, le public se déplace peu.

 

Comme accompagnatrice, formatrice totalement impliquée dans la production de vos propres projets, que pensez-vous de l’éco-conditionnalité ?

Je peux observer que les artistes sont de plus en plus écoresponsables. Il y a une véritable prise de conscience, quel que soit le niveau de l'artiste. Ce qui devrait faire bouger les choses, ce sont les grosses tournées. C’est beaucoup plus difficile pour les petits, qui pour avoir leur intermittence, auront beaucoup de mal à refuser des dates. 

 

Pour votre festival les Nuits Flamencas, quels usages avez-vous modifiés ?

Nous avons une charte qui liste tous nos engagements et nous demandons à nos partenaires s’ils en ont une et comment ils s’engagent. Puisque nous avons cette chance à Aubagne que les transports soient gratuits, nous disposons d’une mobilité verte pour nos artistes. Tout notre catering utilise des produits bio ou locaux. Nous mettons en place des toilettes sèches tout en étant attentif à la décoration et à la pédagogie et travaillons également à la réduction de nos déchets avec des écocups au bar, des bars à eau (construits par la ressourcerie d’Aubagne), des gourdes pour les artistes, des emballages en carton.

 

Comment réagit le public à toutes ces actions écologiques ?

Les gens sont assez réceptifs. Cette année, nous avons travaillé avec l’association « un déchet par jour » pour sensibiliser notre public, qui est familial et avons accueilli une association qui revalorise les déchets en bijoux. L’année prochaine, pour nos 10 ans, notre objectif est d’aller plus loin en organisant des randonnées-concerts le long de l’Huveaune, avec des musiciens flamencos en acoustique, pour récupérer un maximum de déchets, les rapporter sur le festival et les donner en valorisation à une association de gestion de déchets.

Voir aussi
Le Référentiel Écolo