Entre nature et création

Biodiversité

Les jardins de la Fondation Camargo à Cassis se réinventent. Cet écrin méditerranéen est à la fois un sanctuaire écologique et un laboratoire artistique. De la restauration des plantes endémiques à l’exploration des pigments naturels, le site célèbre l’harmonie entre nature et culture, dans un dialogue constant avec son environnement. Mathieu Régent, son régisseur général, nous raconte.

Quel est votre rôle en tant que régisseur général ?
Je suis architecte constructeur de formation, et mon expérience avec le collectif Yes We Camp m’a initié à l’urbanisme transitoire et à l’art de "faire ensemble". Mon rôle à la Fondation Camargo est d’accompagner le vivant : préserver ce qui existe, valoriser ce qui a été fait et préparer ce qui viendra, en lien étroit avec la nature et les usages du site.

 

Quels sont les grands axes de la transformation du jardin ?
Notre travail s’inscrit dans une vision à long terme, inspirée par le concept de jardin en mouvement de Gilles Clément. Depuis 2016, le jardin de la fondation Camargo, situé au cœur des Calanques, a été profondément transformé pour devenir un espace résilient.

À mon arrivée, il consommait près de 1 000 m³ d’eau par an à cause d’un système d’arrosage intensif et de nombreuses espèces non adaptées au climat méditerranéen. Avec le collectif Coloco et la botaniste Véronique Mure, nous avons initié une transition vers un jardin sec, favorisant les plantes locales, capables de s’enraciner profondément pour mieux résister à la sécheresse. L’objectif est de laisser le jardin s’autogérer autant que possible, tout en l’accompagnant attentivement.

Nous privilégions les espèces endémiques, issues de petites pépinières locales et d’agriculteurs urbains à Marseille, qui collectent et cultivent des graines des Calanques. Ce choix renforce le lien entre le site et son environnement naturel.

 

Vous impliquez les résidents à cette démarche. Pouvez-vous nous dire comment ?

Chaque année, nous organisons deux journées de plantation collective avec les résidents artistiques, scientifiques et l’équipe de la fondation. A l’occasion de ces moments fédérateurs, nous introduisons de nouvelles espèces végétales méditerranéennes et complétons l’arboretum existant.

Nous valorisons aussi les plantes qui se ressèment naturellement sur le terrain. Cette approche diminue les pertes, car les plantes choisissent elles-mêmes leur emplacement.

Nous avons même créé une petite nurserie où de jeunes pousses sont récupérées, mises en godet, puis réintroduites dans des zones adaptées.

Et puis nous partageons ces plantes, avec d’autres jardins ou en faisons don aux habitants.

 

Cet écrin est une véritable source d’inspiration pour les résidents… mais également un terrain de jeu et d’expérimentation.

Effectivement, le jardin devient une source de matière pour de nombreux artistes.

  • Certains résidents scientifiques ont étudié les poussières sahariennes qui se déposent dans les jardins, réalisant des macrophotographies des particules.
  • Des artistes explorent les propriétés tinctoriales des plantes du site, expérimentant avec leurs pigments pour créer des teintures naturelles.
  • Une biologiste-artiste a travaillé sur des pigments marins qu’elle a transformés en œuvres picturales.
  • Une autre artiste, invitée dans le cadre du programme NIDA, a étudié les ocres et le poudingue de la région, extrayant des pigments de ces matériaux pour ses créations.

Ces projets enrichissent la dynamique du jardin, le transformant en laboratoire d’expérimentation artistique et scientifique.

 

Quelle philosophie guide votre travail dans le jardin ?
Pour moi, jardiner, c’est bien plus qu’entretenir : c’est un dialogue quotidien avec le vivant. Nous observons, testons et ajustons en permanence, avec attention et patience. Par exemple, nous utilisons un broyeur pour produire notre paillage et compostons les résidus de taille, de tonte (communément, et à tort, appelés déchets verts) et alimentaires des résidents. Ce cycle de matière permet de nourrir le sol naturellement.

Ici, nous ne contrôlons pas le jardin, nous l’accompagnons. Chaque pousse qui apparaît raconte une histoire, et chaque intervention vise à prolonger cette dynamique vivante, en respectant les rythmes de la nature.

 

Voir aussi
Le Référentiel Écolo